Robin Berjon

Vis ma vie: normalisateur

Décryptage de la normalisation ouverte

Un adage commun parmi les normalisateurs est qu'il y a deux entités dont nul ne peut vouloir connaître le réel fonctionnement interne: une usine de saucisses, et un groupe de normalisation. Mais avant que tu ne fuies, cher lecteur, saches que dans cet article je ne m'attacherai qu'aux cotés positifs de ce monde méconnu avec pour principaux objectifs d'expliquer d'une part l'utilité de la normalisation, et de faire ressortir d'autre part ceux de ses aspects qui pourraient être utilement appliqués dans d'autres domaines.

Qu'est-ce qu'une norme, un standard

Avant de plonger plus avant, un petit point de terminologie s'impose. Certains spécialistes débattent régulièrement de la différence entre une norme et un standard. Spécialiste moi-même, je pourrais pérorer longuement à ce propos mais c'est un débat non seulement profondément ennuyeux mais surtout complètement inutile. Une norme, un standard, est un ensemble de règles à suivre s'appliquant à un domaine particulier. J'utilise ces termes de façon parfaitement interchangeable.

Si la définition est abstraite, ses applications le sont souvent beaucoup moins. Exemple typique de norme: le mètre. Que vous vouliez mesurer la longueur d'un bout de tissu ou la hauteur d'une personne, la tour Eiffel ou la distance de la Terre à Pluton, un mètre reste toujours un mètre et cette constance a une valeur évidente au quotidien.

Toutes les normes ne sont évidemment pas aussi fondamentales, mais il y a des normes pour presque tout et presque partout. Les prises électriques, le voltage du courant commun et sa fréquence quand il est alternatif; le type de carburant que les voitures acceptent; les tailles des feuilles de papier; la sécurité des constructions en matière de résistance au feu, de solidité, de consommation énergétique; la façon de tenir une comptabilité et de présenter ses comptes pour des sociétés; la plupart des technologies du Web et de l'internet; l'identification des publications (ISBN/ISSN); et beaucoup, beaucoup d'autres choses communes jusqu'à même la tasse de thé de référence (ISO 3103) sont décrites par des normes. Certaines font l'objet de contraintes légales (c'est souvent le cas des normes de sécurité) tandis que d'autres n'existent que par le consensus continu de ceux qui les manipulent (comme par exemple les formats et protocoles qui permettent l'échange d'email).

Ces standards ne surgissent pas ex nihilo: ils font l'objet de discussions entre des personnes, des sociétés, et des institutions, leur élaboration suit généralement un processus relativement précis, et leur rédaction finale puis leur publication demande la plupart du temps l'intervention d'experts et d'organismes spécialisés. L'exemple du mètre dont le caractère universel pourrait faire penser qu'il a surgit tout cuit un beau matin de printemps est parlant. Sa première définition (1668) était de 38 pousses prussiens, puis la longueur du fil d'un pendule oscillant avec une demi-période d'une seconde (mètre dit “catholique”), avant que la Révolution Française n'en fasse le dix-millionième d'un quart de méridien terrestre. Son histoire ne s'arrête pas là: un siècle plus tard il est redéfini comme étant étalonné par une barre de platine et d'iridium à une température donnée, puis en 1960, la technologie évoluant, le mètre devient 1 650 763,73 longueurs d'onde d'une radiation orangée émise par l'isotope 86 du krypton (merci Wikipedia), avant que ne soit finalement avalisé le mètre que nous connaissons aujourd'hui et que tout un chacun peut étalonner chez lui comme étant la distance parcourue par la lumière dans le vide en 1299 792 458 seconde. Ce n'est donc qu'en 1983 que nous avons le mètre que nous utilisons à présent.

À quoi bon toutes ces péripéties? Vous vous doutez bien que pour une utilisation commune, la variation entre le mètre originel de Wilkins et celui que nous avons maintenant ne compte que peu. Mais son coté universel, employé pour mesurer aussi bien la surface de votre appartement que la taille d'une particule élémentaire, fait que certains de ses utilisateurs bénéficient de cette précision accrue.

Le fait qu'une norme soit évidente au point que ceux qui se rendent compte de son existence même sont peu nombreux, le fait qu'elle puisse évoluer sans avoir le moindre impact sur la plupart de ses utilisateurs, et le fait que presque personne n'a jamais entendu parler de la Conférence générale des poids et mesures ou de la Convention du Mètre sont des indices de qualité: un bon standard se fond dans le quotidien de façon invisible, on ne doit le voir qu'en constatant ce que l'on perd quand il n'est pas appliqué.

Qui font les standards?

Il existe au moins autant d'organismes de standardisation que de domaines dans lesquels des standards existent. Certains organismes fournissent un certain degré d'infrastructure pouvant être réutilisée dans divers domaines (ISO, OASIS, ECMA) mais la situation inverse où l'on retrouve plusieurs organismes pour un même domaine est plus souvent vérifiée. Ces organismes varient grandement: certains sont nationaux ou issus de traités internationaux, d'autres sont des groupements privés de sociétés ou de personnes; certains ont des valeurs spécifiques qu'ils entendent mettre en œuvre au travers de leur production, d'autres accepteront de publier tout ce que leurs membres décideront de publier; certains travaillent à la lumière du jour, d'autres dans le plus grand secret; certains prennent leurs décisions par voie électorale, d'autre par consensus, d'autres encore ont des niveaux de participation prédéfinis et réservent à un bureau dirigeant le droit de tout décider. Une nomenclature complète de tous les types de fonctionnement possibles serait fastidieuse, pour cet article je me concentrerai sur les méthodes d'un organisme que je connais bien et dont le fonctionnement, après en avoir testé beaucoup, me paraît être le meilleur même s'il reste toujours perfectible: le W3C (World Wide Web Consortium).

Le W3C est un consortium de sociétés et d'institutions (à peu près 400 de par le monde) qui en deviennent volontairement membres tout simplement en payant. Le coût d'une cotisation dépend du revenu annuel du membre ainsi que de sa situation géographique (un barème fixant des prix proportionnellement réduis pour les membres provenant de pays moins riches). Les différences de niveaux de cotisation ne mènent pas à des différences de droits ou de traitement, les décisions sont prises par consensus et lors des rares votes tous les membres ont une voix égale. Le domaine d'application du consortium concerne toutes les technologies du Web et vous utilisez ses recommandations au moins à chaque fois que vous ouvrez votre navigateur, et probablement de façon moins directement visible en beaucoup d'autres occasions. En cela il est attaché à défendre les valeurs qui ont fait le Web, au premier chef desquelles son ouverture à tous (nul ne doit payer pour en utiliser les technologies, ces dernières doivent être accessibles à tous et à chacun quelle que soit sa langue, ses éventuels handicaps, etc.). Si les groupes de travail qui y officient ont longtemps fonctionné de façon principalement fermée il est aujourd'hui courant pour ceux-ci d'effectuer la majorité quand ce n'est l'intégralité de leur travail en public (la participation duquel sera décrite de façon plus détaillée par la suite).

Au sein de ce système évoluent des individus qui travaillent à l'élaboration de ces standards: les normalisateurs. Une petite minorité (de grand talent) est employée par le consortium lui-même mais le plus grand nombre est constitué de personnes détachées par leurs employeurs auprès de tel ou tel groupe de travail pour contribuer à ses travaux. Pour beaucoup ce n'est pas un travail à plein temps mais plutôt une composante d'un projet qui peut être de la recherche, du développement de nouveaux produits, ou encore de la veille. Il n'existe pas, à ma connaissance, de formation à la standardisation, c'est un savoir-faire mêlant expertise technique, compétence rédactionnelle, et une saine dose de capacité relationnelle qui s'apprend sur le tas.

Comment fonctionne la normalisation ouverte?

Le principe de la normalisation ouverte est simple: toute personne désireuse de contribuer à l'élaboration d'un standard peut lire les versions de travail de celui-ci, et fournir des commentaires et suggestions au groupe en charge de son élaboration (typiquement au travers d'une liste de discussion par email). Par exemple un créateur de sites Web qui s'intéresserait à la façon dont un programme peut obtenir des information sur le terminal sur lequel il s'exécute pourra consulter le dernier document de travail (Working Draft) du groupe ou même son brouillon interne pour voir s'il répond à ses attentes, et si ce n'est pas le cas il pourra se tourner vers la liste de discussions du groupe en charge de ce document pour partager ses idées.

Dans la pratique certains détails se révèlent plus complexes. Principalement, si tout un chacun peut contribuer gratuitement à l'élaboration d'un standard, pourquoi certaines sociétés acceptent-elles de payer pour devenir membres du consortium? Il y a plusieurs raisons: premièrement, le consortium a besoin d'argent pour fonctionner, et ces sociétés en retirent suffisamment de valeur pour justifier leur implication financière; deuxièmement, certains aspects restent cachés au public, notamment les décisions concernant la mise en place de nouveaux groupes — qui veut amener la création d'un nouveau domaine de normalisation doit donc être membre; finalement, devenir membre simplifie grandement la situation en matière de propriété intellectuelle. En effet, si un participant du public (non-membre) contribue non pas de simples commentaires et autres éléments de discussion mais une solution plus élaborée, il lui sera demandé (si elle est acceptée) de renoncer à toutes royalties sur celle-ci. Il est donc beaucoup plus prudent et plus pratique pour des organisations de devenir membres plutôt que de demander à leurs employés de prendre pour eux-mêmes ce type de responsabilité légale.

On pourrait penser qu'au final, même avec les meilleures intentions du monde, un membre payant participant à un groupe de travail aura forcément plus de poids qu'un contributeur issu du public. C'est parfois vrai, mais cette prépondérance va diminuant et le public averti dispose d'un outil puissant. En effet, lorsqu'un groupe de travail considère qu'un de ses documents est prêt à devenir une norme il publie un “dernier appel à commentaire”. Pendant la période couverte par ce dernier, le groupe est obligé de maintenir une liste de tous les commentaires qu'il reçoit et d'y répondre. Il peut naturellement en rejeter certains, mais ce rejet doit être motivé et documenté, et le groupe doit démontrer clairement qu'il a fait de son mieux pour prendre en compte toutes les remarques qui lui ont été faites dans le but de créer le consensus le plus vaste possible au sein de la communauté concernée. En cas de manquement à ces règles, les instances en charge de valider la transition d'une ébauche de norme vers un standard officiellement reconnu (en l'espèce, la direction du W3C) refuseront l'aval du document et demanderont au groupe de revoir sa copie. De son coté le W3C est de plus en plus ferme sur le respect de ce type de règle car il en va de sa crédibilité auprès du public, et parce que c'est une méthode éprouvée pour produire des standards de qualité. Un groupe bien formé voudra de toute façon écouter la communauté qui s'est construite autour de lui, mais pour les (rares) cas où le dérapage guette la menace est suffisamment forte pour faire son effet et ouvrir l'esprit de ceux qui voudraient rester insulaires.

S'il est utile de décrire ces aspects pour se faire une idée du fonctionnement du W3C, il faut bien comprendre que cet équilibre entre membres payants et participation du public est propre aux contraintes de cette organisation et de ce domaine, et ne se retrouvera probablement pas lors d'une application des mêmes principes fondamentaux dans certains autres cadres, comme par exemple la politique.

La naissance d'un standard

Pourquoi créer un standard? La plupart du temps, c'est pour créer une convention entre tous les acteurs concernés quand l'absence d'un tel accord pose clairement problème pour ce domaine. Une fiction éclairera peut-être ce processus.

Un long dimanche d'ennui, un petit futé invente la nouvelle lubie du Web: le gros bouton rouge. Célébré par quelques spécialistes la première semaine, il fait rapidement fureur et la fièvre du gros bouton rouge se propage très vite à travers la blogosphère, Twitter, et bientôt même la presse en parle. Nous sommes en période électorale et nul candidat sérieux ne songe plus à faire campagne sans avoir sur son site multitude de boutons rouges. De son coté, le gouvernement appelle l'ONU, le FMI, et l'organisation Miss Monde à instaurer un contrôle global des boutons rouges. Bref, c'est un succès sans appel.

Mais rien n'est si simple. Les utilisateurs se rendent vite compte qu'un bouton rouge créé pour Firefox ne fonctionne pas avec Internet Explorer. Sur l'iPhone, le bouton rouge est rond, brillant, et d'une teinte rosâtre translucide alors qu'à l'origine il se voulait rectangulaire et sanguin.

Les problèmes ne s'arrêtent pas là. Les gros boutons rouges peuvent comprendre un bout de texte, et leur créateur initial ne connaissait qu'une langue d'alphabet latin, s'écrivant de gauche à droite. Il n'a pas songé aux complexités des nombreux systèmes d'écritures employés à travers le monde. Les malvoyants s'inquiètent, à juste titre, du fait que les gros boutons rouges ne sont pas représentés pour eux, alors qu'il s'agirait de les traduire par exemple par un “meeeeep” rauque et sonore.

Comment résoudre cette cacophonie? Le marché ne s'en chargera probablement pas seul (aucune société ne veut opter pour la solution d'une autre, la prise en compte des besoins d'accessibilité est généralement tout en bas de la liste pour trop de fournisseurs, sans parler du support pour le texte Mongol), ou alors pas assez vite.

Il y a là une opportunité à créer un standard. Pour ce faire, la version courte est simple: on met tout le monde dans la même pièce et on leur tape dessus jusqu'à ce qu'ils se mettent d'accord. La version longue est un peu plus douce (la plupart du temps).

Tout d'abord un groupe est créé au sein d'un organisme de standardisation travaillant sur le domaine concerné (les boutons rouges étant utilisés sur le web, il est probable que ce serait ici le W3C). Divers acteurs le rejoignent, une liste de discussion ouverte au public est créée, et un espace de publication pour le groupe est mis à disposition. Si tous les participants sont égaux, trois rôles spécifiques sont attribués afin de faciliter le fonctionnement du groupe:

Le représentant de l'organisme (Team Contact)
Celui-ci est mandaté par l'organisme hôte du groupe pour vérifier que tout se passe selon les règles de fonctionnement de celui-ci, et pour fournir un soutien logistique.
L'éditeur
L'éditeur est en charge de rédiger la norme selon le consensus du groupe. C'est lui qui après que chaque point de débat est résolu écrit le contenu correspondant (souvent sur la base de propositions de participants) et maintient l'intégrité du document. Il peut y en avoir plusieurs.
Le médiateur/directeur du groupe (Chair)
Il gère les débat, coordonne l'agenda, applique les règles de fonctionnement, et s'assure par tous les moyens de l'élaboration d'un consensus au sein du groupe. Selon les groupes il y en a généralement de un à trois.

Rien n'empêche les personnes endossant ces rôles d'exprimer de fortes opinions sur les sujets traités, mais ils doivent savoir faire la part des choses et se poser au-dessus du lot pour faire avancer le consensus. On attribue souvent un rôle prépondérant au médiateur, mais c'est à tort. Un groupe qui a besoin d'une direction forte est un groupe en dysfonctionnement (ce qui arrive parfois, mais pas du tout systématiquement). Quand tout se passe bien, médiateur est tout au plus une position primus inter pares (premier parmi ses pairs), et dans un groupe bien rôdé il arrive souvent qu'on ne le différencie des autres participants que lors de ses interventions administratives.

Le public intervient, lui, à tout moment. Les débats étant ouverts à tous, il est commun de voir des participants du groupe et membres du public discuter entre eux directement sans qu'il y ait la moindre distinction (il n'est d'ailleurs pas rare que les interlocuteurs ne se souviennent plus clairement de la position de la personne avec laquelle ils parlent). L'éditeur maintient en permanence un brouillon de la norme qu'il met à jour régulièrement, et le groupe publie à intervalle régulier des versions de travail. Ces publications permettent au groupe de signaler qu'ils ont progressé dans leur travail, et par là de solliciter des commentaires spécifiques de la part du public.

Il est de surcroît commun, toutes choses étant connexes, de demander à d'autres groupes spécialisés sur d'autres domaines de fournir leurs commentaires et d'assister au développement de certains aspects d'une norme. Pour reprendre le cas du bouton rouge, il est probable que le groupe I18N (en charge des problèmes d'internationalisation) et l'activité WAI (s'occupant de l'accessibilité) auraient des suggestions à faire.

Une fois que le groupe de travail a confiance en la qualité de sa norme, il effectue un “dernier appel à commentaires”. Comme je l'indiquais plus haut, durant cette période (d'au minimum trois semaines mais souvent plus) tous les commentaires, d'où qu'ils émanent, doivent être recensés et traités avec pleine diligence. C'est ici que les membres du public peuvent exercer le plus de pression (si par malheur ils n'ont pas réussi à se faire entendre auparavant, ce qui aurait dû être le cas dans une situation idéale). Si le groupe rejette une demande de changement de la norme, et que l'auteur de cette demande se déclare insatisfait de la réponse du groupe, alors son objection devra être relayée aux instances dirigeantes du W3C. Celles-ci devront alors analyser le problème, et pourront se prononcer soit en faveur du groupe (certaines personnes continuant de râler alors que le groupe a bien fait son travail), soit en faveur du plaignant. Dans ce dernier cas, le groupe sera contraint de revoir sa copie, souvent avec pour mission pour trouver un compromis sur le point en question.

Dans la plupart des cas la situation ne s'envenime pas jusque là, le groupe ayant tout intérêt (et généralement une réelle volonté) à trouver une solution emportant l'adhésion de sa communauté.

Une fois le dernier appel validé avec succès, après une période de test le document devient un standard. Un standard permet donc de créer un consensus autour d'une solution conventionnelle entre une variété d'acteurs qui peuvent par ailleurs se livrer à une concurrence des plus acharnées (fournisseurs de solutions du même domaine) ou avoir des besoins opposés (produire à moindre coût pour les fournisseurs contre obtenir les fonctions désirées pour des minorités d'utilisateurs). Quand le processus de création est ouvert, la participation du public permet l'intervention d'experts indépendants, de simples utilisateurs éclairés, et élargit le champs du consensus à une plus grande communauté. Élément bonus: travailler devant public a une nette tendance à rendre les participants plus honnêtes sur leurs contributions, et plus gracieux dans leurs relations entre eux.

Que peut-on en tirer?

L'exemple de la normalisation ouverte nous montre qu'il est possible pour un groupe de personnes s'associant librement et sans réelle direction (le médiateur ne faisant que faciliter les débats) si ce ne sont certains principes fondateurs et quelques objectifs clairs de produire des documents qui peuvent être parfois d'une grande technicité et qui emportent souvent un large consensus bien au-delà des limites du groupe impliqué.

Je n'ai aucune raison de penser que ces méthodes de production ne seraient applicables que dans des domaines techniques. Si une charte de valeurs fondamentales est simple et lisible, si chaque groupe a quelques objectifs clairs, et si quelques moyens d'organisation sont fournis, je pense qu'un modèle similaire peut s'appliquer au champs politique — d'autant plus que le processus pourra être amplement allégé, les considérations propres à la propriété intellectuelle et à la concurrence commerciale y étant inexistantes. J'irai même jusqu'à dire qu'il serait possible dans certains cas pour de tels groupes d'élaborer non pas simplement des notes techniques proposant une solution à un problème précis mais d'aller jusqu'à la rédaction de proposition de loi qu'ils pourront ensuite relayer auprès de leurs députés.

On entend souvent dire que de plus en plus de citoyens se politisent maintenant autour d'un problème spécifique voire étroit, plutôt qu'autour du fourre-tout de la ligne d'un parti. Je pense que nous devons voir cette évolution comme un atout plutôt que comme un problème. En effet, elle nous permet de réunir autour d'un problème donné un ensemble de personnes d'origines et de familles politiques différentes pour tenter de trouver la meilleure solution possible. Il s'agit donc de saisir cette tendance comme une chance au lieu de la déplorer comme un signe d'une supputée rupture du lien social; car c'est au contraire probablement le fondement d'un nouveau tissu. Comme je l'écrivait précédemment, les partis politiques semblent mal équipés pour gérer cette nouvelle réalité. C'est donc là qu'il nous appartient d'intervenir.