Robin Berjon

C’est dur, aussi, d’être haï par des cons

Les anti-burkinis, 5ème colonne de l’État Islamique

Je ne voulais pas traiter ce sujet. En politique française, le voile et plus généralement tout ce qui touche à l’Islam est un chiffon rouge qui sert à droite comme à gauche à détourner l’attention de l’absence totale de projet politique, et le feuilleton de l’été sur le burkini n’y fait pas exception. Malheureusement c’est un sujet qui ne semble vouloir tarir au point que les primaires LR se résument à un concours de celle ou celui qui pissera le plus longtemps contre une mosquée. À force, quelques précisions s’imposent.

L’État Islamique a, pour la France et pour le reste du monde, un objectif très simple et ouvertement déclaré dans son magazine Dabiq (p.54) (document potentiellement illégal en France; et en PDF): détruire la zone grise qui correspond pour eux à la coexistence entre les musulmans et leurs concitoyens. Ils ne doivent plus se sentir bienvenus dans aucune démocratie occidentale. L’idée est aussi simple qu’efficace: à force de suspicion, de mépris, et d’hostilité ils n’auront plus d’autre choix que d’abandonner l’Islam ou de rejoindre l’EI.

Je m’excuse de devoir expliquer des choses simples, mais combattre l’EI c’est combattre ses objectifs. Nous pouvons continuer d’apposer des rustines sécuritaires, nous pouvons rogner encore longtemps sur nos libertés fondamentales, nous pouvons encore tirer sur la corde de notre dispositif policier et militaire, mais tant que le terrorisme continuera d’avoir l’effet escompté il y a aura toujours un djihadiste pour passer entre les mailles du filet. Il faut tenir sur nos valeurs, il faut empêcher qu’elles ne puissent être affectées par la terreur. Stratégiquement, tenir le terrorisme en échec c’est défendre cette zone grise, c’est l’étendre.

Lutter contre l’EI, c’est tout faire pour que musulmans s’épanouissent comme tout un chacun dans nos voisinages, dans nos villes, dans nos pays, dans nos continents. Vaincre l’EI, c’est amener cette force d’enrichissement mutuel jusqu’au dernier territoire sous son contrôle.

Partant de là, il y a ceux qui luttent contre l’EI et ceux qui collaborent. Au nombre de ces derniers, les anti-burkinis font belle figure et je ne suis pas loin d’avoir entendu Estrosi dire: L’État Islamique, c’est moi!

Mon intention n’est pas ici de défendre le voile. En tant qu’athée et féministe, il me pose question — tout comme d’autres aspects d’autres religions peuvent me poser question. Mais c’est une question dont je voudrais discuter sereinement, loin des hurlements d’une laïcité de haine. Et si cette discussion devait conclure que le voile est paternaliste, remplacer un paternalisme religieux par un paternalisme à la française ne servirait à rien: le paternalisme n’a jamais libéré personne.

Il faut laisser aux femmes musulmanes un espace de liberté qui ne soit pas celui qui sépare le marteau de l’enclume. J’ai peine de devoir le rappeler, mais elles sont aussi adultes, intelligentes, responsables que toute autre personne. Ami, amie, si tu penses qu’elles doivent être libérées de quelque chose, fais que ce soit par l’exemple.

Cette façon de n’accepter les musulmans que quand ils ont l’air blancs et chrétiens ne peut que rappeler les relents nauséabonds de la Manif Pour Tous, laquelle n’a rien contre les homosexuels tant qu’ils ne forniquent pas, ne se voient pas, n’existent pas en tant que couples devant la République.

Ceux qui n’ont ni le sang-froid, ni la compétence stratégique pour comprendre que c’est sur le terrain de la coexistence que tout se joue ici n’ont pas ce qu’il faut pour être élus par temps de houle. Ils sont les premiers à parler de guerre. Ce sont eux aussi qui prônent la rétention administrative des fichés S. Si ce type de mesure est effectivement nécessaire, qu’attend-on pour les enfermer?